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Bouteilles de vin

Meymac-près-Bordeaux, c’est l’histoire …

 

D’un enfant naturel, Jean Gaye-Bordas, né à Laval, petit village de la commune de Davignac, devenu dans les années 1860 colporteur marchand de parapluie à Bordeaux, qui va “inventer“ un négoce particulier des vins de Bordeaux en Belgique et dans le Nord ;

 

De la création d’un nouveau concept de la vente des vins, et tout particulièrement ceux de Bordeaux, basé sur :

le démarchage à domicile par la “chine“ d’une nouvelle clientèle

la fidélisation de sa clientèle par la qualité du produit et le service après vente le crédit en proposant un “paiement au passage“ suivant ;

 

Des dizaines puis des centaines de paysans haut-corréziens qui, très rapidement, vont suivre l’exemple et mettre en place un négoce important des vins de Bordeaux ;

 

D’un double mensonge, celui de se présenter comme vigneron vendant la récolte de son vignoble à Meymac près de Bordeaux ;

 

Des conséquences humaines, sociologiques, économiques et culturelles pour la région ;

 

D’une seconde migration, celle-ci plus sédentaire, surtout dans le Médoc dès les années 1890 puis essentiellement dans le Libournais dans l’entre-deux-guerres ;

 

De l’essor du négoce des vins de Saint-Emilion et du Pomerol jusqu’alors en retrait par rapport à ceux du Médoc ;

 

C’est enfin une histoire qui perdure toujours un siècle et demi après sa création et malgré les révolutions commerciales de la grande distribution et du commerce en ligne.

Un pays sans vigne mais pas sans vins !
 

La situation de Meymac sur le flanc sud du Plateau de Millevaches, son altitude et son sol sont incompatibles avec la culture de la vigne. Cela n’empêcha pas cependant que, dès les années 1860, des dizaines puis des centaines de paysans partent « sur le vin », c’est à dire fassent le négoce des vins de Bordeaux dans le Nord de la France et en Belgique.
 

La tradition veut que Jean Gaye-Bordas observant l’envoi d’une barrique de vin par un greffier de Pauillac à son frère installé à Lille, eut l’idée de ce négoce. Ce modeste colporteur, originaire de Davignac dans le canton de Meymac, se rendit vite compte que ses propositions d’achat de vins avaient plus de succès et surtout plus de rentabilité que ses parapluies et lampes à pétrole.
 

Le marché considérable de ces régions en plein essor industriel l’amena à prendre des commis-voyageurs et même à inciter parents et amis à suivre son exemple. Et ceux-ci à leur tour… Si bien que tout le canton fut vite concerné par ce négoce puis toute la Haute-Corrèze et même, à partir de 1900, la région d’Argentat.
 

Se présentant comme des vignerons vendant leur récolte, les « marchands de vins » omettaient de préciser que Meymac n’était pas forcément près de Bordeaux et n’hésitaient pas, selon la légende, à répondre à quelque clients égarés dans la région et surpris de ne pas voir de vignes que celles-ci étaient rentrées pour l’hiver.
 

Plus sérieusement nos Corréziens ne réussirent dans ce négoce que par leur courage, leur sens du commerce et quelques règles de marketing avant l’heure : démarchage à domicile, satisfaction du client, service après-vente et crédit, c’est à dire le paiement « au passage » suivant.
 

Certains d’entre eux, plus entreprenants, s’installèrent dans le Bordelais, d’abord dans le Médoc vers 1900, puis dans le Libournais dans l’entre-deux-guerres. Cette dernière implantation est particulièrement importante, car l’acquisition de ces vignobles, alliée à leur importante clientèle, permit l’essor du négoce des vins de Saint-Emilion et de Pomerol jusqu’alors peu développé.

Une autre conséquence du négoce fut les retombées économiques sur la Haute-Corrèze symbolisées par les nombreuses « maisons de marchands de vins », souvent des petits châteaux, qui parsèment Meymac et les communes avoisinantes.
 

Cette histoire singulière n’est pas terminée car un siècle et demi après son début, des Corréziens de Meymac et d’ailleurs exercent toujours malgré l’apparition des nouvelles formes de commerce (grandes surfaces, internet…).
 

Enfin, la réalité rattrapant la fiction, des pieds de vignes ont été acclimatés depuis quelques années et implantés dans l’arborétum meymacois, nommé « Château-des-Moines-Larose », du nom du château construit par Gaye-Bordas sur la place principale de Meymac.
 

Les ouvrages à découvrir  :

Marcel Parinaud, Meymac-près-Bordeaux : De la bruyère à la vigne, t. 1, Brive-la-Gaillarde, Éditions du Ver Luisant, 2008, 512 p. (ISBN 978-2-84701-303-0 et 2-84701-303-2).

Marcel Parinaud, Meymac-près-Bordeaux : De la bruyère à la vigne, t. 2, Treignac, Éditions de l'Esperluette, 2013, 428 p. (ISBN 979-10-90784-08-6).

Marcel Parinaud, Meymac-près-Bordeaux : De la bruyère à la vigne, t. 3, Treignac, Éditions de l'Esperluette, 2017, 108 p. (ISBN 979-10-90784-64-2).


Marc Prival (préf. Jean-Loup Lemaitre, conservateur du Musée du pays d'Ussel), De la montagne au vignoble : Les Corréziens ambassadeurs des vins de Bordeaux, 1870-1995, Clermont-Ferrand, Publications de l'Institut d'études du Massif central (Centre d'histoire des entreprises et des communautés), Faculté des lettres et sciences humaines de l'université Blaise-Pascal, 1997 (ISBN 2-87741-075-7).

Florian Arfeuillère, Corrèze-près-Bordeaux (roman), La Crèche, éditions La Geste, 2017 (ISBN 978-2-36746-915-7).

Florian Arfeuillère, Les Folles Années vin : les marchands de Meymac-près-Bordeaux dans les années 1920 (roman), La Crèche, éditions La Geste, 2022 (ISBN 979-10-353-1542-9).

Manu Tronche, Du rififi à Meymac-près-Bordeaux - Une aventure de Toine et Salers (bande dessinée), Limoges, Les Ardents Éditeurs, 2021 (ISBN 9782490623150).

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